La tentation autoritaire, une alternative à notre démocratie ?

On peut aisément classer la Belgique parmi les régimes démocratiques. Cependant, comme Anne-Emmanuelle Bourgaux le spécifie dans sa thèse, il n’est pas aisé de définir ce qui fait de notre système actuel une démocratie.

On peut aisément classer la Belgique parmi les régimes démocratiques. Cependant, comme Anne-Emmanuelle Bourgaux le spécifie dans sa thèse, il n’est pas aisé de définir ce qui fait de notre système actuel une démocratie.

Le terme de démocratie a revêtu en Belgique de multiples aspects. Ainsi, lors de sa naissance en 1830 et suivant l’émergence ailleurs en Europe de démocraties libérales au sein d’Etats-nations, la Belgique devient une monarchie constitutionnelle fondée sur un socle fort de droits et libertés. Néanmoins, les droits découlant de l’instauration d’un régime démocratique, en particulier le droit de vote, n’étaient accordés qu’aux hommes disposant d’une certaine notabilité et/ou d’une certaine fortune. Après la Première Guerre mondiale et alors que la classe ouvrière, organisée depuis la fin du 19e siècle, réclame des droits sociaux et des droits politiques, le suffrage universel masculin est établi. Il ne sera étendu aux femmes qu’en 1948. L’âge du vote sera ensuite abaissé de 21 à 18 ans, élargissant un peu plus l’électorat. Enfin, le droit de vote aux élections communales sera octroyé, sous certaines conditions, aux étrangers en 2001. La démocratie belge a donc vu un nombre sans cesse croissant de citoyens autorisés à participer au choix des gouvernants.

Aujourd’hui, chacun peut voter librement, jouit de libertés protégées par la Constitution et dispose d’un certain nombre de droits sociaux. Par ailleurs, les citoyens peuvent porter des combats de façon collective au sein de structures intermédiaires plus ou moins organisées. Enfin, la démocratie telle qu’on la connait, avec ses multiples imperfections, protège les citoyens face à l’arbitraire et aux abus du pouvoir, notamment à travers la garantie d’une justice indépendante.

Néanmoins, on constate que notre démocratie actuelle n’est pas exempte d’un désir d’évolution, parfois radical, de la part des citoyens. Ainsi, comme l’indique l’enquête du Thermomètre des Belges, 66% des jeunes sont convaincus qu’il faut radicalement changer la société. Ce désir de changement radical va de pair avec une certaine remise en question de la démocratie ou du moins une volonté de changer la démocratie. Les imperfections inhérentes à la démocratie, comme un processus de décision lent ou l’impression de ne pas être entendu par les représentants, la rend parfois frustrante. Pour expliquer la crise démocratique, Vincent De Coorebyter met également en avant la frustration inhérente au suffrage universel et à la démocratie moderne. En effet, alors que la propagande démocratique insiste sur le choix de l’électeur, comme si tous les électeurs n’en faisaient plus qu’un seul qui exprimait une volonté populaire claire, la réalité est tout autre : les aspirations qui s’expriment au travers d’une élection sont multiples, ambigües et contradictoires, presque illisibles. Face à une société toujours plus fragmentée, où les résultats électoraux sont équivoques, où chaque groupe de pression, chaque communauté de valeurs, chaque groupe d’intérêts sociaux, chaque communauté philosophique, chaque institution a son propre espace de liberté et de négociations consacré par le droit, n’importe quel gouvernement est condamné au conservatisme, au compromis et à la frustration ou alors à la prise de risque majeur. Les décisions gouvernementales deviennent souvent incompréhensibles pour les citoyens tant elles résultent de la nécessité d’un équilibre à trouver dans la pluralité des soutiens gouvernementaux, voire dans la pluralité de la société dans son ensemble. A titre individuel, chaque électeur se sent frustré face à des décisions qu’il ne comprend pas et floué par un système démocratique qui ne traduit pas ses aspirations individuelles en mesures politiques.

Face à cette frustration inhérente à la démocratie et au suffrage universel, certains seraient tentés aujourd’hui par le remplacement de cette démocratie imparfaite par un régime autoritaire, jugé plus efficace à résoudre les défis de nos sociétés. Mais est-ce réellement une alternative à la démocratie ?

 

Thème FWB: « La sécurité d’existence et le développement d’un projet de société fondé sur le progrès social tant d’un point de vue national qu’international ».